23-25 sept. 2021 Aix-en-Provence (France)
Sentiments moraux et sens de la justice chez Smith et Rawls
Benoit Walraevens  1@  
1 : Centre de Recherche en Economie et Management  (CREM)  -  Site web
CNRS : UMR6211, Université de Caen Basse-Normandie

 

Si la grande majorité des études rawlsiennes, en particulier en France, s'est longtemps portée sur la première partie de la Théorie de la justice de Rawls, il existe depuis quelques années un intérêt croissant pour la 3e partie, portant sur la question de la stabilité de la société juste. Alors que la première partie est construite à partir d'une approche rationaliste, d'inspiration kantienne, Rawls développe dans cette 3e partie ce qui s'apparente à une théorie des sentiments moraux, en postulant un sens de la justice fondé sur la culpabilité, le ressentiment et l'indignation, distingués de l'envie, et en expliquant la formation et le développement de ces sentiments moraux à travers trois étapes, en s'inspirant de Rousseau et Piaget. Nous n'évoquerons pas ici les tensions que ne peut manquer de générer ce mélange de rationalisme et de sentimentalisme dans la théorie de la justice de Rawls. Nous souhaiterions plutôt nous concentrer sur la théorie rawlsienne des sentiments moraux et la confronter à celle d'un auteur que, manifestement, Rawls a peu ou mal lu, à savoir Adam Smith, qu'il présente très brièvement dans la TJ, à l'instar de Hume, comme un philosophe utilitariste et défendant une vision de la justice fondée sur l'idée d'un spectateur impartial omniscient et idéal. Ceci est d'autant plus étonnant que Rawls consacre de nombreux de cours de ses leçons de philosophie morale à Clark, Hume et Butler, les deux derniers ayant eu une influence considérable sur la théorie morale smithienne. Nous nous emploierons donc dans un premier temps à rectifier cette lecture de Smith. Nous tenterons ensuite de montrer qu'un rapprochement et une confrontation entre les deux auteurs sont féconds. En effet, dans sa Théorie des sentiments moraux, Smith défend également l'idée d'un sens de la justice et de l'égale dignité des êtres humains fondé sur les sentiments moraux de culpabilité, de ressentiment et d'indignation, ces deux derniers étant là encore distingués de l'envie. En outre, il propose une analyse de l'éducation morale fondée sur la maitrise de soi et l'élargissement progressif de notre capacité d'identification aux autres, c'est-à-dire des cercles de sympathie, qui n'est sans rapport avec ce que propose Rawls.


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